Les interventions et les défis éthiques visant le soutien de la santé mentale des enfants et des adolescents dans un contexte de pandémie 

Introduction

Dans le contexte de la pandémie de la COVID-19, les infirmières et infirmiers peuvent soutenir la santé mentale des familles qui font face à de nombreux défis, notamment l’isolement, le stress et la perte d’emploi (International Family Nursing Association [IFNA], 2020). Les défis découlant de la pandémie peuvent fragiliser la santé mentale de groupes vulnérables (Ungar et Knaak, 2020), dont les enfants et les adolescents. Afin d’aborder cette problématique, une revue narrative est actuellement réalisée pour offrir des lignes directrices aux professionnels de la santé (Montreuil et al., 2020). Nous présentons cette revue narrative portant sur les interventions et les défis éthiques visant le soutien de la santé mentale des enfants et des adolescents dans un contexte de pandémie et de confinement (Montreuil et al., 2020). Puis, nous discutons de l’implication des résultats sur la pratique infirmière.

Revue narrative

Soutenue par le financement des Instituts de recherches en santé du Canada, cette revue exploratoire^* est dirigée par Marjorie Montreuil ainsi que les cochercheuses suivantes (par ordre alphabétique) :

Aline Bogossian, Université de Montréal Chantal Camden, Université de Sherbrooke
Christine Genest, Université de Montréal
Elsa Gilbert, Université du Québec à Rimouski
Geneviève Piché, Université du Québec en Outaouais
Jessica Rassy, Université de Sherbrooke 

Effets de la pandémie sur la santé mentale des enfants et des adolescents 

La littérature recensée indique que les contextes de pandémie et les mesures de confinement associées génèrent des conséquences négatives sur la santé mentale des enfants et des adolescents, peu importe leur âge. Ces conséquences comprennent l’augmentation du stress, de l’anxiété et de la peur (Duan et al., 2020; Zhou et al., 2020), des comportements externalisés (p.ex., Orgilés et al., 2020; Pisano, Galimi et Cerniglia, 2020), des difficultés de concentration (Jiao et al., 2020), des symptômes dépressifs (p.ex., Hou, Mao, Dong, Cai et Deng., 2020; Zhou et al., 2020), posttraumatiques (p.ex., Sprang et Silman, 2013) et somatiques et des difficultés de sommeil (p.ex., Moore et al., 2020; Saurabh et Ranjan, 2020). De plus, les enfants et les adolescents ayant déjà un diagnostic psychiatrique (p. ex., trouble d’anxiété) pourraient davantage souffrir d’effets négatifs sur leur santé mentale (p.ex., Huscsava, Scharinger, Plener et Kothgassner, 2020) à long terme (p.ex., Schwartz, Yung, Barican et Waddell, 2020). Finalement, les conséquences issues de la situation de pandémie peuvent exacerber la maltraitance envers les enfants ainsi que la violence interfamiliale (p.ex., Fegert et al., 2020).

Interventions 

En contexte de pandémie, la littérature suggère de maintenir les services de santé mentale déjà dispensés aux enfants et aux adolescents ou d’augmenter l’offre de ces services. Il est recommandé d’offrir du soutien aux enfants, mais aussi aux parents afin qu’ils puissent déterminer et comprendre les signes de détresse chez leurs enfants pour mieux les soutenir. De plus, afin de respecter la distanciation physique, l’utilisation des technologies de la communication est déterminée comme étant acceptable en contexte d’évaluation et d’intervention psychologique (Davis et al., 2020; McGrath, 2020; Schwartz et al., 2020), et est l’intervention la plus souvent proposée dans la littérature. Il s’avère que la poursuite des traitements de psychothérapie à distance est effectivement appréciée par les jeunes, qui évaluent la télépratique plus souvent comme étant positive que négative dans le contexte de la COVID-19 (Huscsava et al., 2020). Pour la télépratique dans les milieux de santé, sept guides ont été recensés dans la littérature grise. Ils peuvent s'appliquer à la pratique générale des soins de santé, mais ne sont pas spécifiques à la pratique de la santé mentale et ne proposent pas de conseils propres à la télépratique impliquant des enfants et des adolescents.

Seulement deux guides de télépratique pour enfants et adolescents ont été recensés dans la littérature. Ils sont conçus pour fournir des conseils en santé mentale pour la télépratique dans le contexte de la pandémie de la COVID-19 et du confinement. L’Ordre des psychologues du Québec propose un guide pour l’enfant et l’adolescent (OPQ, 2020), tandis que l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec propose des conseils sur l’évaluation psychoéducative en petite enfance (OPPQ, 2020). Ces deux guides contiennent des informations concernant la préparation d’une séance, la relation thérapeutique, l’engagement, les défis éthiques et l’utilisation d’outils. Lors de la préparation d’une séance à distance avec un jeune enfant, un scénario d’évaluation devrait être déterminé en collaboration avec la famille afin de clarifier le processus d’évaluation à distance, le choix d’une plateforme en ligne appropriée, le niveau d’engagement des parents lors de l’évaluation à distance avec l’enfant, le meilleur moment pour l’enfant, le matériel (p. ex., jouets, tout autre matériel pour créer des jeux), le moment de la discussion avec les parents (p. ex., présence ou non de l’enfant) (OPPQ, 2020). À l’égard du développement de la relation thérapeutique, l’utilisation de la technologie peut cependant représenter un défi (OPQ, 2020b). En effet, en télépratique, le développement de cette relation peut notamment être influencé par le niveau d’engagement de la famille à poursuivre la thérapie à distance et les attitudes et comportements du professionnel qui doit adopter un cadre différent. De plus, maintenir l’engagement et l’intérêt des enfants et des adolescents lors des rencontres de télépratique est un défi important (OPQ, 2020). Dans la petite enfance et l’enfance, il peut être favorable d’utiliser des jeux pour conserver l’engagement de l’enfant, ce qui implique de la créativité de la part des professionnels (OPQ, 2020, OPPQ, 2020). Par ailleurs, parallèlement aux enjeux d’égalité sociale concernant l’accès à la technologie et à Internet, l’utilisation de la technologie dans la pratique des soins de santé soulève des défis concernant les principes de bienfaisance et de non-malfaisance (OPQ, 2020), car il est essentiel d’assurer, même à distance, le consentement éclairé et la confidentialité (OPQ, 2020; OPPQ, 2020), en utilisant des plateformes de télépratique sécurisées et en expliquant les risques susceptibles d’y être associés. Enfin, les professionnels doivent s'assurer que les outils (p. ex., les outils d’évaluation) habituellement utilisés en personne demeurent adéquats pour des sessions à distance (OPQ, 2020; OPPQ, 2020). Les études comparant la validité des tests en ligne et en personne s’avèrent rares (OPQ, 2020). Par conséquent, une réflexion critique est essentielle lorsque des outils sont modifiés ou lorsque des outils de rechange sont utilisés pour combler les nouveaux besoins dans le contexte des modalités à distance (OPPQ, 2020).

Défis éthiques 

En contexte de pandémie, l’accessibilité aux soins de santé mentale s’avère un problème important. En raison de la réduction des services, même si les personnes vivant une situation nécessitant des soins plus urgents continuent à être prises en charge, les soins préventifs ont tendance à être mis de côté (Davis et al., 2020), laissant plusieurs jeunes en détresse avec peu de ressources. De plus, l’accessibilité aux soins pourrait être compromise chez les familles ayant un faible statut socioéconomique, car elles n’ont pas nécessairement accès à la technologie ni à une connexion Internet adéquate, les empêchant de recevoir des soins de téléthérapie, alors que leur santé mentale est encore plus vulnérable en contexte de pandémie (Organisation for Economic Co-operation and Development, 2020). Enfin, certains enfants et adolescents pourraient ne pas bénéficier de la télépratique en raison de contre-indications selon le jugement clinique des professionnels (OPQ, 2020). Par exemple, certains enfants et adolescents vivant avec des problèmes de développement ou psychotiques pourraient ne pas se sentir à l’aise d’utiliser un téléphone, une tablette ou un ordinateur (OPQ, 2020). Dès lors, ils auraient de la difficulté à recevoir le soutien psychologique nécessaire auquel ils ont droit et, ainsi, subiraient des conséquences psychologiques à long terme.

Implications pour la pratique infirmière

Les résultats de cette revue narrative peuvent s’appliquer aux sciences infirmières. Les infirmières et infirmiers, autant par leur rôle dans la communauté (p. ex., établissement scolaire) que dans les centres hospitaliers, peuvent intégrer ces connaissances dans leur pratique. Le personnel infirmier est régulièrement en contact avec des familles dans différents domaines de soins. En contexte de pandémie, les infirmières et infirmiers peuvent donc intervenir auprès des familles (IFNA, 2020), notamment à l’aide de l’approche systémique familiale (Duhamel, 2015; Duhamel, Mathieu et Fournelle-Tellier, 2015; Fournelle-Tellier, 2015; Wright et Leahey, 2014). Cette approche permettrait d’intervenir auprès des enfants, des adolescents et des parents afin d’influencer l’évolution de leurs expériences de santé mentale affectées négativement par la pandémie et le confinement.

Les infirmières et infirmiers peuvent aussi offrir des enseignements en prévention de la détresse psychologique. Par exemple, en dispensant aux parents un enseignement leur permettant de reconnaître les signes de détresse psychologique chez leurs enfants et d’être plus outillés pour y faire face, tout en mettant en place des interventions de prévention (p. ex., en encourageant les familles à maintenir des routines stables, ainsi qu’en réduisant leur exposition aux médias sociaux et aux contenus médiatiques traitant de la COVID-19).

Cette revue de la littérature met de l’avant les enjeux éthiques liés aux soins de santé mentale auprès des enfants et adolescents. Ces constats rappellent l’importance du rôle d’advocacy des infirmières et infirmiers en reconnaissant le potentiel d’exacerbation des inégalités d’accessibilité aux soins en contexte de pandémie. La technologie s’avère un sujet important à aborder afin d’éviter les conséquences à long terme d’une rupture de continuité des soins en santé mentale auprès des enfants et adolescents. En télépratique, les infirmières et infirmiers peuvent se référer aux lignes directrices émises par l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (2020). 

Conclusion 

La présente revue exploratoire permet de mieux comprendre les conséquences possibles de la pandémie sur la santé mentale des enfants et des adolescents, ainsi que les interventions et les défis éthiques s’y rattachant. Ces connaissances s’avèrent pertinentes pour la pratique infirmière auprès des enfants, des adolescents et de leurs parents afin d’assurer la qualité et la sécurité des soins de santé mentale en contexte de pandémie et de confinement.

Auteures :

Michèle Desmarais, inf., M. Sc.
Étudiante au doctorat, École des sciences infirmières Ingram, Université McGill
Assistante de recherche, École des sciences infirmières Ingram, Université McGill

Lauranne Gendron-Cloutier, B.A. Psy. (Hon.)Étudiante au D. Psy., Université de Montréal
Assistante de recherche, École des sciences infirmières Ingram, Université McGill

Marjorie Montreuil, inf., Ph. D. 
Professeure adjointe, École des sciences infirmières Ingram,
Université McGill

^*Pour le rapport complet de la revue narrative : https://covid19mentalhealthresearch.ca/synthesis/supporting-children-and-adolescents-mental-health-in-the-context-of-pandemic-and-confinement-a-scoping-review-of-interventions-and-ethical-challenges/

Références

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