Volume 10, numéro 5, automne 2019
La présence est d’être là simplement et totalement
(Citation d’une infirmière anonyme, Collins et Small, 2019)
Les soins palliatifs prennent leur essor dans la société québécoise aux prises avec un poids démographique grandissant des personnes âgées ayant des maladies chroniques et atteintes de graves déficits physiques, cognitifs et psychologiques. Par leur proximité, leur disponibilité infaillible et leur constante présence auprès des patients, les infirmières obtiennent certaines lettres de noblesse dans le domaine des soins palliatifs.
Ce texte vise à décomposer le concept de « présence » en des « interventions » quotidiennes des infirmières et infirmiers en soins palliatifs (Collins et Small (2019)). La littérature en sciences infirmières définit la « présence » comme un processus interpersonnel caractérisé par la sensibilité de l’infirmière, son respect de l’holisme du patient, sa détermination de l’accompagner dans de multiples souffrances physiques et détresses psychiques (Larkin, 2010; Finfgeld-Connett, 2006). [Traduction libre]
Dans la pratique, la présence infirmière se traduit par plusieurs stratégies, dont l’écoute attentive. Celle-ci transcende l’intervention répondant aux questions d’ordre médical des patients. Elle se révèle comme un engagement de l’infirmière à établir une relation de confiance, à converser avec les patients afin de se remémorer ensemble l’histoire de leur vie, de dresser le bilan de leurs accomplissements, d’accueillir chaleureusement leurs aspirations (même dans cette période de fin de vie), de recevoir avec respect leur désespoir face à leur souffrance, de chercher ensemble un sens (spirituel ou religieux) à leur vie et de trouver un certain espoir ou une petite lueur de lumière journalière. L’espoir se dévoile comme une stratégie pour certains patients comme le démontrent les citations suivantes de personnes mourantes : « Je parle avec le pasteur du déroulement du service de mes funérailles. Mais je suis pleinement en forme, je sens que cette journée-là est encore très lointaine. »
« Je n’ai pas peur de mourir, car je suis certaine qu’il y a une autre vie après la mort. »
« Je ne veux pas entendre parler des complications de mon état. Je vous demande d’arrêter d’en parler. Je ne pense pas à la mort. J’ai encore de l’espoir. » (citations anonymes, Olson, Ostlund, Strang, Grassman et Friedrichsen, 2010). [traduction libre]
En tenant compte que la souffrance se différencie de la douleur par le fait qu’elle prend racine dans la perte de la dignité et de l’intégrité de l’être humain (Larkin, 2010), l’infirmière peut transformer les interventions citées ci-dessus en réponses personnalisées empreintes d’humanisme. En autres termes, l’infirmière peut passer outre les conseils usuels des prises d’analgésiques et répondre à la détresse du patient par sa présence physique silencieuse, par ses touchers apaisants, par des suivis téléphoniques rapides à ses appels d’aide, par l’acceptation de la révolte du patient contre la solitude ou la douleur, entre autres.
De plus par sa présence, l’infirmière peut agir comme un compagnon fidèle de voyage pour le patient, avec son accord (Olson, et al., 2010). La citation suivante illustre bien ce rôle : « Je vais être avec vous aussi longtemps que vous voulez. Il n’y a pas de date d’expiration à mes services » (citation de V.C., infirmière en soins palliatifs, août 2019).
Parfois, l’infirmière doit essuyer un refus de services de la part du patient tout en acceptant que le dernier « voyage » du patient soit ponctué par des périodes de paix ou de désarroi profond. Toutefois, tout au long des interactions antérieures à ce « rejet », la présence infirmière demeure une source de réconfort pour le patient.
Cette présence réside aussi dans le savoir-être de l’infirmière. Il repose principalement sur l’introspection continuelle de l’infirmière sur ses expériences personnelles de la mort et la fin de vie des patients. Les questions suivantes peuvent faciliter le processus de l’autoanalyse de l’infirmière après des interactions avec eux (Hussain, 2019) :
Quelles sont mes suppositions concernant l’expérience de mourant du patient?
Quelle est ma zone de confort émotionnel devant la détresse et le déni du patient?
Quelle est ma supposition sur l’expérience de vie du patient?
Quelle est la zone de confort du patient lors de notre rencontre?
Ce texte bref et concis étudie le concept très complexe de la « présence ». Les infirmières en soins palliatifs sont invitées à émettre des commentaires ou des propositions à l’auteure à l’adresse suivante : oriiml@bellnet.ca
Truc Huynh, inf. clinicienne
Membre du Comité communication de l’ORIIML
Collins, CM, Small, SP ( 2019) L’infirmière praticienne, un rôle parfaitement adapté à la pratique des soins palliatifs: Étude descriptive qualitative. Revue canadienne de soins infirmiers en oncologie, 29(1), 10-16
Finfgeld-Connett, D. ( 2006) Meta-synthesis of presence in nursing. Journal of Advanced Nursing. 55(6), 708-714
Hussain, F.A. ( 2019) Using a frame of reference for talking to patients about death and dying. British Journal of Nursing. 28 (16), 1069-1075.
Larkin, P. ( 2010) Listening to the still small voice: the role of palliative care nurses in addressing psychosocial issues at end of life. Progress in Palliative Care. 18(6,335-340.
Olsson, L. Ostlund, G., Strang, P., Grassman, E.J. & Friedrichsen, M. (2010). Maintaining hopewhen close to death: insight from patients in palliative home care. International Journal of Palliative Nursing. 16(12), 607-612.
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